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jeudi 15 octobre 2015

  Caro Diario  

      Le plat émaillé


            Lettre à mon père,
      qu’il ne recevra jamais.


       Paulhaguet Le huit novembre 1950 à trois heures du matin,

Gigi jeune maman de dix-neuf ans, déjà mère d’un garçon  et son mari sont dans leur maison à la campagne.
Gigi va mettre au monde son deuxième enfant.

       Le médecin n’arrive pas et pour eux, le doute et la peur s’installent. A trois heures du matin la maman commence à mettre au monde son bébé (Vous l’avez compris, c’est moi Martine)
La tête est déjà dehors, rose et belle. Papa, surpris, guette l’arrivée du médecin, mais aucun bruit de pas, ni de voiture. La petite tête rose devient blanche, puis violette et enfin toute noire.
Papa n’a pas d’autre solution que de me mettre au monde lui-même car je meurs.

     Avec délicatesse et amour, il glisse un doigt sous la tête, puis un autre,
Passe sous les épaules et dégage ce petit corps qui arrive et qui ne respire plus.
Rien pour poser cette petite fille, si ce n’est un plat blanc émaillé avec un liseré bleu
à portée de main.

   Dans mon plat, le froid me saisit et me fait respirer à nouveau et, enfin, je pleure, je vis.
Papa, pour reprendre des forces et pour ne pas s’évanouir, après
« Son accouchement » se sert plusieurs verres de rhum pour fêter ma naissance et pour immortaliser son exploit.

     Aujourd’hui, le jour de mon anniversaire, je pleure en moi, Mon père, mon Dieu, l’homme de ma vie, ne m’a pas reconnue malgré ce lien qui nous lie à la vie à la mort.

     Il m’a donné deux fois la vie, et aujourd’hui, j’en crève.
J’en pleure, mon cœur saigne de l’avoir perdu,
Car il est dans un monde qui s’appelle
ALZHEIMER,
Où je ne peux pas le rejoindre car sa tête a oublié son cœur.

      Papa, je t’aime, et j’enrage en ce jour de t’avoir
perdu, à jamais.
Je t’aime Papa,

 Ta fille.

















                              









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