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samedi 31 mars 2018




LA FİANCÉE DE PAUL                         
     

     Paul était un homme heureux. Bientôt, chez lui, il allait accueillir sa fiancée. Depuis six mois il préparait sa venue. Il savait tout d’elle et connaissait ses goûts par cœur.
   Son style, ses marques de vêtements, mensurations, produits de beauté, musique, lectures, rien de ce qu’elle aimait ne lui était inconnu.
   Il avait rendu le parc de sa propriété plus discret, en plantant tout le long de la clôture une haie touffue de feuillages persistants et denses à hauteur d’homme, protégeant des regards la piscine et le jardin toute l’année.
     Le studio au sous-sol était parfait pour une jeune femme raffinée et délicate. Dans la chambre trônait un lit à baldaquin agrémenté d'un rideau de dentelle blanche, alignés sur la coiffeuse ses produits de beauté et son parfum favori. Posés en évidence, sur un coussin rouge en forme de cœur, un écrin de velours laissait apparaître un collier et boucles d'oreilles en perles, cadeau de bienvenue et d' anniversaire de Paul.
    Dans le dressing, déjà sur cintres des vêtements de marques n’attendaient plus qu’elle. Le rangement à chaussures renfermait de beaux escarpins italiens et pour finir des sacs coordonnés. La petite lingerie en soie était là, sur les étagères, soutiens-gorge d’un côté et petites culottes de l’autre, classées par couleurs. Ses livres préférés et CD de musique, rangés dans la bibliothèque, au mur un écran plat avec des chaînes internationales.
     La salle de bain était spacieuse, une baignoire à remous, une douche italienne, sauna et une petite salle de sport avec écran vidéo. Il ne manquait plus qu’elle. Demain il irait la chercher et sa vie allait changer.
 Il avait des responsabilités, un emploi stable, gagnait très bien sa vie, à quarante ans révolus, il voulait enfin commencer sa vie d’homme rangé. Ses journées bien remplies, ne comblaient pas le vide de son existence. Apprécié et respecté dans sa société, jamais un mot plus haut que l’autre, ses collègues masculins du bureau, enviaient sa réussite et sa vie d’homme libre.
    Sauf que sous cette apparence désinvolte, il était complexé et perdait ses moyens devant les femmes. Savoir qu’elle serait bientôt à la maison, le rendait fou de joie. Il avait rencontré Marie, il y a huit mois et en était tombé aussitôt éperdument amoureux. Grande, mince, cheveux longs châtain, toujours vêtue à la dernière mode, intelligente, active et surtout en bonne santé.
    Souvent il la suivait quand elle faisait son jogging, du shopping, au musée, au restaurant et à ses cours de cuisine. Il voulait tout savoir d’elle, il l’aimait. Il lui restait quelques travaux de jardinage à faire et tout serait prêt pour son arrivée. Seulement une rangée de végétaux d’un mètre de large à poser du côté de ses voisins qui allait cacher l’étendage où séchaient les vêtements et la lingerie de sa voisine. Le jour venu, content du travail accompli depuis six mois, Paul se prépara pour l’arrivée de Marie.
     Dans la pharmacie il prit un gros morceau de coton, une bouteille d’éther déjà entamée l’imbiba d’une grosse giclée du liquide et se dirigea vers l’étendage. La veille, il avait prédécoupé le grillage de la clôture, sur un mètre de large de sorte, qu'il soit imperceptible à l’œil nu.
    D’un coup d’épaule, le grillage céda rapidement, d’un bond il saisit Marie par surprise, alors, qu'elle étendait son linge. Il plaqua le coton imbibé d’éther sur sa bouche, elle tomba inerte, inconsciente dans ses bras, comme un poids mort. Rapidement il la déposa sur la pelouse fraîchement tondue de son jardin, il referma le grillage avec des liens transparents et termina la plantation des arbustes manquants pour obstruer le passage. Il tassa énergiquement la terre, jusqu'à ce que toutes les traces de son passage, soient devenues invisibles .
    La haie était alignée à hauteur d’homme tout autour de la résidence, il avait bien travaillé, rien ni personne ne pouvait savoir et voir ce qui se passait dans son jardin, ni dans le sous-sol de la maison.Il transporta la jeune femme inerte dans ses appartements et l’installa sur son lit. Il déposa sur la table, le plateau repas qu’il avait préparé avant le kidnapping. Un repas italien, La Pasta al dente comme il avait appris à la faire, aux mêmes cours de cuisine, une bouteille de Chianti et un tiramisu. Il lui fit couler un bain aux essences de lavande, mit de la musique sans crainte du bruit, la chambre étant insonorisée.
    Les rideaux aux murs cachaient des fenêtres invisibles. La porte d’entrée ne possédait pas de poignée, sa surface était lisse et impossible à ouvrit de l’intérieur. Il brancha les caméras de surveillance, regarda si tout était fait selon ses souhaits et sortit de la pièce. Il referma la porte à clef de l’extérieur, satisfait du labeur accompli.
     Il monta une dizaine de marches d’escalier menant au garage, abaissa la trappe de bois, fit coulisser l' établi aux roulettes dissimulées dans ses pieds pour en cacher l’accès. Il remisa sa voiture dans le garage, pour lester et finir de camoufler la trappe.
     Il se mit à espérer, que la jeune femme choisie, avait une santé de fer et pourrait vivre plus longtemps que la dernière. Cette fois il avait fait très attention, il avait suivi sa cible pendant six mois partout sans se faire remarquer. Dans les lieux publics, les spectacles, les restaurants, les magasins, il courait derrière pendant son jogging. Il avait ouvert son courrier, regardé sa taille sur les étiquettes de son linge au fil de l’étendage. Cette fois il en était sûr, il avait mis toutes les chances de son côté.
   Il eut une pensée pleine de tendresse, pour son ancienne locataire, à la santé fragile, qui l’avait quitté trop rapidement. Il l’avait enterrée dans une place de choix au milieu d'un  volumineux massif de roses trônant au milieu de « Sa  pelouse verte si bien entretenue. »
   Il était calme, serein et savait que l’on ne viendrait pas enquêter chez lui, si près du lieu de la disparition. En ajoutant un autre critère à son choix,
« La Santé »
En plus de la beauté. Oui, cette fois il était sûr, il avait réussi.


 




Retrouvez cette nouvelle dans mon recueil "A L'ABRI DES REGARDS"
 http://www.edilivre.com/a-l-abri-des-regards-20a5b6563a.html#.U6rxasuKCUk






mardi 6 mars 2018









                                                                       LA CHAMBRE NUPTİALE

    






       La voiture de fonction du futur ministre de la justice se gara devant le perron du manoir, il en sortit en coup de vent sans attendre que son chauffeur ne lui ouvre la porte.
  

     Son porte-document sous le bras, il monta quatre à quatre les escaliers en appelant sa femme Éva, pour lui annoncer la bonne nouvelle.
    Éva sortit rapidement de la chambre de sa belle-mère avec le lot d échantillons de tissus sous le bras. À l'air joyeux de son mari, elle comprit qu'il avait eu le poste qu'il convoitait et elle se jeta dans les bras du nouveau garde des sceaux, laissant tomber les rouleaux de toile. Cela faisait bientôt un an qu'Éva et Richard étaient mariés, ils se connaissaient depuis l'enfance et avaient fait un mariage d'amour.
    

    Richard était fils unique, son père était mort dans un accident de voiture en 1942, avant sa naissance, sa mère l'avait élevé seule et ne s'était jamais remariée. Depuis l’adolescence il était passionné par la politique et voulait en faire son métier. C'était un homme juste, intègre, épris de justice qui allait mettre toute son énergie et sa volonté au  service de sa tâche. Éva savait qu'il ne faillirait pas à son devoir et qu'il ferait un très bon mandataire au service de son pays.

     Depuis la mort de sa belle-mère, Éva était devenue la maîtresse de maison et dirigeait la bâtisse familiale avec brio, elle avait décidé de transformer la chambre de la défunte, en chambre nuptiale. En la rendant moderne et fonctionnelle elle voulait faire une surprise à son mari pour leur noce de coton. Cette chambre inoccupée depuis la mort de la vieille dame était spacieuse, deux grandes fenêtres laissaient entrer les rayons du soleil et du balcon la vue imprenable des arbres centenaires du parc finissaient de la rendre exceptionnelle. Un pan de mur était recouvert de miroirs, cette petite galerie des glaces, donnait de la profondeur et de la luminosité à la pièce.
    Après le départ de son mari, elle commença le grand nettoyage de la chambre. Les murs étaient tapissés de toile de Jouy rose, elle confectionna des doubles rideaux assortis avec du tissu retrouvé dans l'armoire de la lingerie. Pendant une semaine, elle l’aménagea avec soin et y mit sa touche personnelle. La grande façade des miroirs lui donna plus de travail, les vieilles glaces Vénitienne au mercure étaient graisseuses et collantes, mais retrouvèrent vite leur splendeur d'antan. Le soleil à son zénith les inondait de ses rayons et les faisait scintiller comme des diamants. La seule verrue de cette pièce était cette imposante armoire régence posée là, devant les miroirs.
      Elle remisa toutes les affaires de sa belle-mère dans une autre chambre inoccupée. Dans le scriban machinalement elle chercha les petits tiroirs secrets dont tous les secrétaires sont pourvus. Elle les trouva rapidement en actionnant d'une poussée un ressort discrètement dissimilé dans une petite moulure. Un paquet de photos en noir et blanc entouré d'un ruban de satin rose apparut du secret. Elle regarda les photos une à une avec une curiosité et une excitation non retenue. Une jeune fille souriante en robe blanche, les cheveux détachés posait dans le jardin, un bouquet de fleurs dans les bras.
     Elle n’eut aucun mal à reconnaître en cette belle jeune fille sa belle-mère. Les photos du manoir devinrent plus angoissantes, des véhicules de l'armée Allemande stationnaient dans le parc, avec au premier plan des soldats au garde-à-vous devant des officiers Allemands. Plusieurs photos représentaient un jeune homme en uniforme au regard mélancolique se tenant sur les marches du perron. Son attention fut attirée par une photo de la chambre, où un bébé assis à terre jouait devant une porte entrouverte, inconnue.
     Son regard parcourut la pièce et s’arrêta devant la grosse armoire Régence. Éva la poussa de toutes ses forces en la faisant glisser sur le paquet jusqu'au mur opposé. Débarrassé de son imposant meuble, les rayons du soleil laissèrent apparaître des lignes biseautés dessinant un encadrement de porte, à peine visible à l’œil nu et disparaissant une fois le soleil caché.
       Éva poussa la porte de glace qui coulissa facilement, mettant à jour une antichambre, elle chercha l’interrupteur et la lumière jaillit, la laissant les jambes flageolantes et le souffle coupé. Sur le lit, le reste d'un squelette gisait là, les os étaient alignés sans désordre, sur un couvre-lit en loque. Encore accroché aux doigts, un médaillon en or à demi ouvert, avec la photo des deux jeunes gens souriant. Sur la commode, l'uniforme poussiéreux du soldat allemand était soigneusement plié laissant apercevoir une trace de balle sur la poitrine.
      Posé sur la table de chevet, un petit livre ancien avec une reliure en maroquin rouge où l'on devinait sous la poussière le titre incrusté en lettres d'or .
« Caro Diario ».


   C'était les confidences d'une femme meurtrie, blessée, sa belle -mère. Elle parlait de sa passion, de son impossible amour avec le père de son fils, l'ennemi de son pays, l'homme à abattre.

   Au premier regard ils étaient tombés éperdument amoureux. Veuve depuis un mois, après un mariage arrangé par sa famille, elle n'avait pu résister à ce bel officier et aux sentiments qu'ils avaient l'un pour l'autre. Leur passion, ils l'avaient cachée dans cette petite antichambre et leur enfant y était né huit mois plus tard. Pendant le reste de la guerre elle ne vécu que pour son petit garçon, puis à la libération, le destin les rattrapa et s'acharna sur eux. L’officier blessé par les partisans se réfugia chez elle pour mourir dans ses bras.

     Elle ne pouvait demander d'aide à personne, ni lui donner une sépulture décente alors, elle le laissa reposer dans l'antichambre et en mura la porte avec la grosse armoire. Jusqu'à sa mort elle vécut avec lui dormant chaque nuit dans la pièce voisine.

    Éva, mit les photos, le médaillon et le livre rouge dans une boite métallique, les ossements du soldat et son uniforme dans le reste du couvre-lit et se rendit à la chapelle du manoir. Elle descendit les escaliers en pierre du tombeau familial et sans peur dévissa le cercueil de sa belle-mère. Avec respect et tendresse elle y déposa la boite métallique, le couvre-lit contenant des reliques du soldat et calmement revissa le couvercle. Un tel amour partagé, méritait bien que le couple soit enfin réuni, pour son repos éternel.

     Au retour de son mari, elle lui montra fièrement la chambre nuptial, il fut surprit de la découverte de l'antichambre et fou de joie à la vue qu'elle était devenue une petite chambre d'enfant.

    Comme sa belle-mère, Éva, non plus ne pouvait rien dire, « avoir un cadavre dans un placard » est un secret de famille qu'il ne fallait pas déterrer et son mari ce devait d'être irréprochable.


 



Retrouvez cette nouvelle dans mon recueil "A L'ABRI DES REGARDS"
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