L’abandon
1961
Caro Diario
Le beau ROLLAND
En cette fin de soirée, je me couche heureuse car
demain Papa, Maman et mes frères,
Partons en vacances à la mer pour deux mois.
Les valises sont prêtes.
Toute la semaine, maman a cousu à la machine à
coudre de ma Grand-mère,
Des sacs de couchages avec des échantillons de
tissus
Qu’elle a pris dans la collection de mon père,
représentant en confection femme.
Dans la nuit vers trois heures du matin, papa me
réveille doucement.
Heureuse, je dis « c’est l’heure de partir en
vacances »
Mais Papa me demande de le suivre et de venir
dire au revoir à ma mère.
Je sors de la chambre de la rue Saint-Gilles, passe
par le couloir de la maison traversière,
Arrive dans le trois pièces de la Place de la halle Jusqu’à l’unique fenêtre de l’appartement qui
donne sur la Place.
Du troisième étage, je vois Maman qui part avec
une OMBRE.
Papa me dit : « Dit au revoir à ta mère ».
Ce que je fais en pleurs la boule au ventre sans rien
y comprendre.
J’ai su par la suite que papa et mon grand frère l’avaient retrouvée à la ville voisine.
Quelques jours plus tard, papa et moi partons en
voiture pour aller la chercher.
Arrivés à destination, papa se gare devant une maison
hôtel.
Je monte à l’étage jusqu’à leur chambre de bonne,
minable.
Maman m’ouvre, je vois le BEAU ROLLAND
allongé face à moi sur le petit lit
Et maman debout qui me dit, embrasse-le et dis-lui
que tu ne lui en veux pas.
Je l’embrasse sans rien montrer de mes sentiments,
Et dans ma tête je crie, je hurle : « Crève
salaud ! »,
Et je repars en courant suivie de ma mère pour
rejoindre papa.
Je m’installe à l’arrière de la voiture et sur le
chemin du retour, je dis naïvement « C’est le plus beau jour de ma vie », et
aujourd’hui je le crois encore.
Pauvre maman, jeune et belle avec cinq enfants, le
manque d’argent,
L’absence de son mari toute la semaine, La vie difficile avait eu raison d’elle pour la
première fois et pas pour la dernière.
Mon dieu que ça fait mal l’abandon,
Et depuis, je vis toujours avec ma boule au ventre.
Les valises, toujours prêtes, nous attendaient à
notre retour
Pour pouvoir enfin partir en vacances, ce que l’on
a fait pour tout l’été.
C’est pour ça que toute ma vie j’ai aimé et
j’aimerai la mer.
Mais par la suite, il y a eu un autre abandon,
Papa lui aussi est parti loin de nous.
Et là, mon cœur s’est brisé pour la seconde fois,
Marqué au fer rouge pour toujours.
Retrouvez cette nouvelle dans "Des Mots pour mes Maux et souvenirs
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