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vendredi 30 août 2019



                                                                        LA PROIE





     

   Élisa, jeune pensionnaire du célèbre collège des sœurs de la Miséricorde, était une  bonne élève, douce, introvertie et obéissante. Vêtue de son uniforme, jupe plissée écossaise, pull marine et chaussettes blanches, elle suivait sa scolarité sans se faire remarquer. Elle se parlait à elle-même, à voix basse, sa timidité maladive la paralysait, ses camarades de classe se moquaient d’elle et la surnommaient« la radoteuse »
    
   Elle aimait l’informatique et dialoguait sur Internet avec son ami Mat tous les soirs depuis plusieurs semaines. Derrière son écran, sa peur du monde disparaissait, après un échange de photos, ils avaient décidé de franchir le pas, en convenant d’un rendez-vous pour faire plus ample connaissance à la fin de la semaine.
 
   Élisa avait hâte de rentrer chez elle pour voir sa mère, qui lui manquait et pour rencontrer Mat, qui était impatient de la connaître. Elle plaisait beaucoup à Mat avec ses cheveux longs et ses yeux verts, elle faisait petite fille dans son uniforme malgré ses seize ans.    
   Mat avait vingt ans, il paraissait  plus que son âge, il avait les mêmes goûts, musicaux et cela l’avait séduite. Élisa était impatiente de le voir et flattée, qu’un plus grand s’intéresse à elle. Le grand jour, la rencontre tant attendue, c’est sans peur qu’elle alla à son premier rendez-vous.
 
   Mat avait tout prévu, la maison inoccupée de son oncle en voyage, dont il avait les clefs, ferait très bien l’affaire. Un peu stressé, il l’attendit à l’angle de la rue, Élisa fut surprise de voir qu’il faisait plus âgé, mais il était tellement séduisant et drôle, que cela enleva ses doutes et ses craintes. Elle était sur un nuage et le suivit dans la maison vide, heureuse de cette belle escapade.
 
    Il lui tendit un verre, un liquide jaunâtre sentant le whisky à plein nez et se leva pour insérer un CD dans le lecteur. Elle n’osa pas lui dire qu’elle ne buvait jamais d’alcool, à cause de ses terribles migraines, qui lui gâchaient la vie et vida discrètement le contenu dans la plante sur la table. Il mit la musique à fond, se retourna, vit le verre vide et amorça un sourire, son regard changea brusquement en révélant sa véritable nature.
 
   Il avait amorcé sa victime sur le net, maintenant il allait ferrer sa proie et passait à l’acte. Un couteau dans la main, en ricanant il menaça Élisa, pensant qu’elle ne résisterait pas à ses avances, la drogue faisant son effet.
 
    Élisa, comme dans un rêve, vit le couteau sous sa gorge, son sang cognait à ses tempes, elle n’entendait plus qu’un bourdonnement lointain dans ses oreilles, un vol de papillons noirs passa devant ses yeux, puis ce fut le trou noir complet.

     Elle revint à elle assise sur le canapé en cuir, ne se rappelant plus de rien, ne portant plus son uniforme, mais sa tenue de rechange, sa céphalée avait disparu. Allongé à terre, un couteau planté en plein cœur, Mat était mort.

   Élisa ne comprenait pas ce qui venait de se passer, elle regarda autour d’elle, tout était propre, plus une trace de son passage, tout avait été nettoyé, rangé, elle prit son sac et sortit , fermant la porte sans rien toucher.

    Comme une petite fille bien élevée, elle téléphona à sa mère, pour s’excuser de son retard, lui demander de ne pas s’inquiéter, elle avait révisé chez une amie et rentrait immédiatement. En arrivant à la maison, elle embrassa affectueusement sa mère, lui demanda si elle avait passé une bonne journée, dit qu’elle avait eu encore ses terribles névralgies et alla dans sa chambre. Elle se déshabilla mit son pyjamas et se coucha.
 
 Elle entendit la voix en colère de Lise: pauvre fille: « regarde- toi !naïve, confiante, bien élevée, habillée de ton uniforme, sans défense, croyant toujours tout le monde beau et gentil.»
   Lise était tout le contraire d’Élisa, dans son caractère et sa présentation. Elle était vêtue d’une mini-jupe en cuir noir, de bas noirs en résilles, de petites bottines noires lacées galbaient ses mollets et un tee-shirt blanc moulait sa poitrine.
 
   « Ton Mat, il avait trente ans et s’appelait Alex, si je ne l’avais pas assommé avec la bouteille quand il t’a agressée et qu’il te croyait droguée, il nous aurait violées et peut-être tuées.
 
    Moi Lise, j'étais là pour nous défendre et je l'’ai frappé en plein cœur avec son couteau. Maintenant il ne nous fera plus de mal, ni lui ni personne, je suis là pour veiller sur toi. Tu es trop bête, trop gentille, il faut que tu admettes enfin que j’existe et ne doute plus jamais de mon existence. Je fais partie de toi, je suis en toi.
 
   Élisa s’allongea paisiblement sereine dans son lit, comme la gentille fille que sa maman connaissait. Elle pouvait s’endormir en paix avec sa peluche dans les bras, car elle n’avait rien fait, ce n’était pas elle la méchante.
 
    Lise, quand elle avait peur, sortait de sa tête et de son corps avec sa migraine et prenait les choses en mains et d’un seul coup de couteau à la poitrine, elle avait fait rendre l’âme à son agresseur.
 
    Lise avait tout nettoyé, effacé les traces, enlevé l'uniforme plein de sang, oui c’était elle la plus forte, de victime, elle était devenue prédateur et Mat sa proie. Maintenant Élisa pouvait faire de beaux rêves, son ours dans les bras, elle sombra dans un sommeil réparateur, la conscience en paix, elle ne se souviendrait de rien le lendemain à son réveil.
   
   Elle était angélique et innocente, comme l’agneau qui vient de naître, et pendant ce temps-là, la lessive finissait d’effacer les traces de sang sur son uniforme, celui-ci serait impeccable au matin.
 


     

                         Retrouvez cette nouvelle dans mon recueil "A L'ABRI DES REGARDS"










mardi 6 août 2019



                             DEDICACE  au BAR-PRESSE DE L'ARZON chez Mikaël

                                              à Vorey-sur-Arzon, Haute-Loire,
                                                où mes livres sont en vente.