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vendredi 12 mars 2021

                                                                            

                                       L’adieu

 A Saint-Austremoine

Caro Diario 1967



Sa compagne vivait avec papa maintenant dans la maison.
Cela allait être notre premier été avec elle.
Et là tout était à recommencer,
Il fallait nous habituer à elle, et elle à nous.
Elle était devenue la maîtresse de maison,
Mais pas encore la femme de papa.

Sauf qu’elle n’avait pas l’habitude des enfants ni des ados,
On aurait dit plutôt notre grande sœur que notre future belle-mère.
Elle avait vingt-et-un ans, trois ans de plus que mon frère ainé 
et quatre et demi de plus que moi,

Une jolie petite blonde aux yeux bleus et très amoureuse de mon père.
La maison avait maintenant l’eau à l’évier et je ne suis pas sûre qu’elle était potable,
Mais pas encore de douche ni de toilette.
Tout l’été, mes frères et moi avons creusé derrière la maison, dans la roche,

Un trou pour mettre une fosse septique.

Pour les besoins, rien de changé,

Toujours le cul à l’air dans le pré derrière la maison,

Mais maintenant le papier hygiénique avait fait son apparition,

C’était plus doux que le journal.

En bonne maitresse de maison elle faisait les comptes, et là elle s’est aperçue,

Que quatre enfants en pleine santé et croissance coûtent cher.

Et que bien sûr cela lui donnait du travail.

Je l’aidais à la cuisine, aux courses et à la vaisselle,

Mais pas assez à son goût.

Eh oui, elle avait un homme qui avait quatre enfants,

Et pour elle c’était beaucoup trop.

Ce n’était plus notre maison, cela devenait la sienne et il fallait bien s’y faire.

C’est sûr que leur vie à deux était plus romantique.

Maintenant que Papa oublie,

C’est elle qui s’occupe de lui,

Du mieux qu’elle le peut, avec patience et amour, loin de nous.

Et pour cela, elle mérite toute mon admiration et ma reconnaissance.







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vendredi 5 mars 2021

 


Le véto

  Caro Diario 1970



Maman a depuis quelque temps aux Estreys

Une jument malade, alors elle fait appel aux soins d’un vétérinaire.

Maman est une femme plus que nature,

Elle parle aux gens et aux animaux avec des mots imagés,

Comme les paysans du cru,

Avec son franc parler, sans malice ni moquerie.

Nature en somme.

Dans l’écurie obscure,

L’unique ampoule au plafond est insuffisante.

La jument souffre et attend les soins.

Et c’est là que ma mère m’a fait rire pour des années,

Chaque que fois que j’y pense, j’en ris encore.

Elle se met à crier de sa grosse voix qui porte loin :

« On y voit comme dans le trou du cul d’un nègre. »

Je me mets à la regarder avec effroi et gêne,

Puis, un fou rire me prend sans que je puisse le contrôler,

Suivi d’un autre rire encore plus fort et bon enfant que le mien,

Celui du vétérinaire.

Et maman qui répétait encore sa phrase au cas où l’on n’ait pas bien entendu.

Vous allez comprendre,

Son vétérinaire était noir.

Pour Maman, c’était une phrase comme ça, sans méchanceté,

Juste son naturel qui revenait au galop.

Ça, c’est ma mère,

La Ginette des Estreys.

Bien dans ses bottes et les pieds dans le crottin de cheval.



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