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jeudi 30 juillet 2020


Philippe le fugueur 
1962
  Caro Diario 



  Philippe en grandissant, Était un enfant indiscipliné et indépendant, Qui ne supportait aucune contrainte ni mon autorité. Il partait avec son vélo et ses copains et on ne savait jamais où il était, Et bien sûr, cela me mettait en souci et en colère. 

  Petit déjà, il fuguait, on le cherchait dans les magasins, dans les rues… Et le plus drôle, c’est qu’un jour en vacances à la mer, à l’île de Ré, Où il avait encore fugué, C’est le cirque FRANCKY qui l’avait trouvé perdu sur la plage. 

   Les gens du cirque avec un haut-parleur, arpentaient la plage Pour avertir de leur spectacle et en même temps, Ils annonçaient qu’ils avaient trouvé un petit garçon Refusant de dire son nom, Vêtu d’un petit maillot de bain à pois, Bien sûr c’était notre Philippe. 

   Un autre jour, Philippe encore en fugue, Sur le foirail de la Place Saint-Laurent, Boulevard Carnot, Jouant avec ses copains, S’est fait renverser par une voiture qui lui a roulé dessus. On a retrouvé notre Philippe à l’hôpital, en mauvais état. 

   Mais le plus fou dans cette histoire est que le conducteur n’a rien eu Malgré un délit de fuite, Non assistance à personne en danger, Sans permis de conduire, Sans assurance, Il s’en est tiré comme ça, sans problème avec la justice. 

  Pour Philippe, ce fut le début d’une longue série d’accidents en tous genres Que ce soit à pied, à vélo, en moto et plein d’autres que je n’ai jamais su. Philippe le fugueur était un casse-cou.








mardi 28 juillet 2020

                                                               

                                                                   EDILIVRE PARIS





La volonté de nuire 



       Il y a plusieurs volontés, celle de faire le bien, celle du courage et celle de nuire. Les volontés du bien et du courage sont celles qui demandent le plus de cœur, la volonté de faire mal est un combat malsain de tous les jours. 

     C’est être aux aguets, tout calculer, tout écrire pour ne pas oublier d’en faire le reproche plus tard, questionner son entourage, ses amis, pour que rien ne nous échappe, être au courant de tout ce qui se passe chez les uns et les autres. 

    Être un inquisiteur des temps modernes, ne pas supporter de ne pas savoir. Avoir une volonté inébranlable et une énergie à toute épreuve, savoir manipuler son entourage n’est pas donné à tout le monde. Pour celui qui veut nuire, c’est un don, celui de faire mal. Peu importe le lien qui le relie à ses proches, il veut savoir, il veut être au courant des petits secrets des autres, pour combler le vide de sa vie.  

   Cela demande constance et ténacité, harceler son interlocuteur pour lui tirer les vers du nez, pour qu’il cède enfin et se livre avec confiance. Et le summum de la perversité, déformer leurs propos et en faire sa vérité, une vérité qui l’arrange et le fait jubiler. La volonté du bien, c’est celle qui donne notre cœur aux autres et par notre ardeur nous permet de faire le bien et d’être indulgent. 

    La volonté du courage nous fait avancer dans la vie, nous donne notre enthousiasme, nos réussites et nos plus grandes joies. La volonté de nuire est le pire, mettre toute son énergie au service de la méchanceté, harceler ses proches, ses relations demande obstination et acharnement pour détruire consciencieusement son entourage. Mais rien n’est jamais définitif, avec le temps, l’âge avançant, ces mauvais penchants peuvent s’estomper et laisser naître une nouvelle volonté. 

   La volonté de ne plus nuire, c’est tenter de faire oublier une conduite que l’on regrette, ne plus être indiscret, accepter l’opinion de l’autre et respecter la vie privée de chacun et de ne plus vouloir avoir le dernier mot. 
                    « Avoir de la Bonne volonté. »
                         

 
                      Retrouvez cette nouvelle dans mon recueil "A L'ABRI DES REGARDS"
 






dimanche 19 juillet 2020



L’abandon 

1961
   Caro Diario 



                                   Le beau ROLLAND

                En cette fin de soirée, je me couche heureuse car demain Papa, Maman et mes frères, Partons en vacances à la mer pour deux mois. Les valises sont prêtes. Toute la semaine, maman a cousu à la machine à coudre de ma Grand-mère, Des sacs de couchages avec des échantillons de tissus Qu’elle a pris dans la collection de mon père, représentant en confection femme. 

   Dans la nuit vers trois heures du matin, papa me réveille doucement. Heureuse, je dis « c’est l’heure de partir en vacances » Mais Papa me demande de le suivre et de venir dire au revoir à ma mère. Je sors de la chambre de la rue Saint-Gilles, passe par le couloir de la maison traversière, Arrive dans le trois pièces de la Place de la halle  Jusqu’à l’unique fenêtre de l’appartement qui donne sur la Place. 

      Du troisième étage, je vois Maman qui part avec une OMBRE. Papa me dit : « Dit au revoir à ta mère ». Ce que je fais en pleurs la boule au ventre sans rien y comprendre. J’ai su par la suite que papa et mon grand frère l’avaient retrouvée à la ville voisine. 

    Quelques jours plus tard, papa et moi partons en voiture pour aller la chercher. Arrivés à destination, papa se gare devant une maison hôtel. Je monte à l’étage jusqu’à leur chambre de bonne, minable. 

   Maman m’ouvre, je vois le BEAU ROLLAND allongé face à moi sur le petit lit Et maman debout qui me dit, embrasse-le et dis-lui que tu ne lui en veux pas. Je l’embrasse sans rien montrer de mes sentiments, Et dans ma tête je crie, je hurle : « Crève salaud ! », Et je repars en courant suivie de ma mère pour rejoindre papa. 

    Je m’installe à l’arrière de la voiture et sur le chemin du retour, je dis naïvement « C’est le plus beau jour de ma vie », et aujourd’hui je le crois encore. Pauvre maman, jeune et belle avec cinq enfants, le manque d’argent, L’absence de son mari toute la semaine, La vie difficile avait eu raison d’elle pour la première fois et pas pour la dernière. 

    Mon dieu que ça fait mal l’abandon, Et depuis, je vis toujours avec ma boule au ventre. Les valises, toujours prêtes, nous attendaient à notre retour Pour pouvoir enfin partir en vacances, ce que l’on a fait pour tout l’été. 

    C’est pour ça que toute ma vie j’ai aimé et j’aimerai la mer. Mais par la suite, il y a eu un autre abandon, Papa lui aussi est parti loin de nous. 

   Et là, mon cœur s’est brisé pour la seconde fois, Marqué au fer rouge pour toujours.



                        Retrouvez cette nouvelle dans "Des Mots pour mes Maux et souvenirs




mercredi 15 juillet 2020

                                    

Le scalp de Philippe 

1964
   Caro Diario 



       Comme toujours à la maison dans la cuisine, mes frères jouaient aux cow-boys et aux indiens. Papa était sorti acheter du jambon pour le repas du soir à l’économat de la Place du plot. 

   Pendant sa courte absence, mes frères, dans leurs poursuites infernales, Montaient sur la table de la cuisine, Puis ouvraient la fenêtre de la cloison de la salle à manger, et passaient dans l’autre pièce. En se bousculant, la fenêtre s’est refermée au passage du dernier, Et Philippe, le cow-boy qui arrivait au galop sur son cheval, passa la tête à travers la vitre. 

      J’ai vu passer devant mes yeux un morceau de chair humaine Avec des cheveux pleins de sang, gros comme une pièce de cinq francs, Et j’ai vu la tête de Philippe sanguinolente. 

    Affolée, je suis allée à la fenêtre pour appeler papa qui déjà était sur le retour. Papa prit le SCALP dans une main et Philippe dans ses bras et direction l’hôpital. 

     Aux urgences, une infirmière jeta le scalp dans la poubelle de soin. Le chirurgien a été obligé de rechercher le greffon dans la poubelle pour le recoudre. 

   Maman, prévenue, les rejoignit et tomba dans les pommes. Un fois Philippe recousu, Et seulement après, maman fut relevée du sol où elle se trouvait encore allongée. 

      Maman a toujours craint le sang. Et nous revoilà de nouveau tous réunis à la maison, Philippe avec son crâne rasé et recousu, Le héros du jour. Maintenant, ça c’est sûr, C’est un vrai cow-boy. 

      Il a été scalpé par les Indiens Et depuis, Il a sur le crâne, Une tonsure, Grosse comme une pièce de cinq francs.




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dimanche 12 juillet 2020

                                                 


L’Opinel 
1957

 Caro Diario 
                                                                            

    Dans la maison de mon enfance Place de la halle Il se passait toujours des choses, des bonnes comme des mauvaises. Mon grand-père qui était un homme exceptionnel, M’a fait la première grande peur De ma vie Et il ne le voulait pas. 

   Ce jour-là, dans notre appartement au troisième étage, Maman et moi, seules pour la journée, vîmes arriver mon grand-père rouge et ivre de colère. Il criait contre maman et lui faisait des reproches sur sa conduite. Puis d’un geste qui m’a semblé rapide, sortit de sa poche son OPINEL qui ne le quittait jamais, L’ouvrit et le brandit en direction de maman. 

   Sa main bougeait dans tous les sens et il la menaçait. Il criait, hurlant de plus en plus fort, qu’il allait Lui faire une boutonnière. Moi je ne savais même pas ce que cela voulait dire, sauf que cela me semblait terrible. Du haut de mes six ans je interposai entre elle et mon grand-père.

    La boule au ventre je criais, je hurlais : « Ne tue pas ma maman Pépé ». Grand-père, surpris de ma réaction, rangea son couteau dans sa poche et me prit par la main. Et nous descendîmes à l’étage en dessous où ma grand-mère nous attendait Avec pour moi une grosse crêpe à la confiture, Et pour mon grand père cette seule parole : « Ernest tu es un Badagorge »

    Ce jour-là, ce grand géant de plus de un mètre quatre-vingt-dix et de plus de cent kilos Avait craqué devant cette petite fille en pleurs et terrifiée. J’avais fait pleurer ses yeux bleus de honte, Et son regard resta doux pour moi à jamais. 

       Depuis ce jour, je n’aime plus les Opinel.



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mercredi 1 juillet 2020

                                   
La première 4 chevaux 

  Caro Diario 1958




     Par l’unique fenêtre de notre appartement du troisième étage de la Place de la halle, On la voyait notre quatre chevaux. Au début, toutes les dix minutes, je me mettais à la fenêtre pour la regarder. C’est irréel de penser que dans cette année-là, l’année 1958 Il n’y avait qu’une seule voiture, notre quatre chevaux garée en bas de chez nous. La seule voiture du quartier était celle de mes parents. 

   Pas de problème pour se garer ni pour trouver une place sous la fenêtre, La place était à nous, aussi bien aux enfants qu’à notre voiture. On pouvait jouer tout autour de la Place de la halle sans problème, Notre père n’allait pas nous écraser avec sa quatre chevaux « neuve ». La place de la halle était à nous et on y était tranquille et cela a duré plus de trois ans. 

   On était les rois Et cette quatre chevaux pouvait aussi nous emmener à la mer. Une épopée héroïque, avec sur la galerie des bagages qui dépassaient du toit, et une remorque Attachée derrière que l’on perdait parfois deux fois par voyage. Papa avait toujours sa pince coupante avec lui dans la voiture.

 Alors au bord de la route nationale, il cisaillait les clôtures en fil de fer Pour rattacher notre précieux chargement, Il n’y avait plus une place à l’intérieur une fois la famille installée « Les Mollonoches tripatoches » (Comme disait mon oncle Francis) Mais le plus fort, c’est que l’on arrivait à notre destination : la mer, Et que l’on pouvait aussi revenir au Puy-en-Velay à ma chère Place de la halle. 

   Oui c’est sûr, c’était du solide la quatre chevaux. Si l’été il n’y avait pas de problème particulier, L’hiver c’était autre chose pour les voyages. Sans chauffage, il fallait équiper la marmaille comme pour le pôle nord, Des pulls, des écharpes et des bonnets pour ne pas geler à l’intérieur. La belle vie en somme. Personne dans le quartier ne partait en vacances Sauf nous. 

   A la bonne Franquette comme disait maman, Mais on partait, même pauvres. Et, par la suite il y en a eu d’autres, des quatre chevaux. 


Martine à gauche







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