dimanche 27 décembre 2020
lundi 23 novembre 2020
jeudi 19 novembre 2020
LA LANTERNE
Vêtue d’un négligé de satin rose et de bas de soie, chaussée de bottines de cuir verni, nouées avec soin, Ophélie marchait la tête haute, le buste droit et le sourire aux lèvres. Lacé dans un corset de dentelles noires, son corps avait le maintien et la posture d’une reine, et affriolait toute la gent masculine.
De son visage, seuls ses yeux vert émeraude, et sa bouche d’un rouge éclatant étaient visibles sous son loup blanc. Elle se mouvait avec grâce, et se présentait à chacun de ces messieurs, en jouant de son charme et de sa coquetterie. Des gentlemen élégants installés dans leurs fauteuils de velours rouge, cigare au bout des doigts et flûtes de champagne à la main, sélectionnaient d’un geste discret ou d’un regard, leur compagne pour la nuit.
Dans une farandole entraînante, hommes et femmes masqués arpentaient l’immense salon sous son lustre de cristal. Certains gentilshommes poussaient la chansonnette en se mettant au piano, et les demoiselles chantaient en tournoyant, découvrant leurs chevilles sous leurs jupons brodés. De beaux militaires dans leurs uniformes impeccables aux galons dorés, sabraient le champagne qui coulait à flot, et ces dames en remplissaient leurs coupes de cristal.
Les allées et venues dans le corridor, les rires, les portes qui claquent, la joie de vivre donnaient de la célébrité à cette maison du plaisir, La Lanterne. Elle bénéficiait de la complaisance de politiciens, d’officiers et d’aristocrates et avait la réputation d’une demeure bien tenue et prospère, où le savoir-vivre et les bonnes manières étaient de rigueur. Toutes les nuits, la maison close et ses occupantes étaient aux petits soins, et aux plaisirs de leurs illustres hôtes.
Dès potron-minet, chapeaux, cannes, masques, verres vides et jarretières traînaient là abandonnés à même le sol. Les fêtards, la tête embrumée d’alcool et de fumée de havane, quittaient les lieux discrètement, sans un au revoir ni même un regard pour leurs conquêtes de la nuit. Ophélie, soulagée de voir poindre le jour, se pressa de rejoindre le vestiaire, elle dénoua le ruban de taffetas de son loup blanc, et le déposa sur la coiffeuse.
Elle se dévêtit de ses dentelles de satin, pour une robe de bure rapiécée, une coiffe de toile et une paire de galoches usées. Elle essuya le rouge de ses lèvres, et déposa son postiche blond sur le porte-perruque. Elle enjamba les cadavres de bouteilles vides de crémant, et se dirigea vers la porte de service donnant sur la ruelle. À la pointe du jour, les cochers guettaient l’arrivée de leurs maîtres enivrés, et les chevaux trépignaient sur place, impatients de rejoindre leur écurie.
Ophélie, brisée de fatigue et ravalant sa honte, se hâtait de rejoindre sa soupente où sa vieille mère l’attendait. Au passage des fiacres, les clients l’injuriaient en la dépassant, la traitant de vilaine, et de laideron. Son visage était marqué de la petite vérole, fait de croûtes rougeâtres, de pustules noires et de cicatrices en creux. Honteuse, elle dissimulait sa figure défigurée par la variole sous une grosse mantille de laine en courbant la tête.
Sans son masque elle était redevenue Zoé, ses amants de la nuit ne la reconnaissaient pas sous ses habits de misère, et ses cicatrices vérolées les dégouttaient. Elle n’était plus leur reine, mais une pauvre fille au minois amoché de qui l’on se moquait cruellement. Sur un bout de trottoir, assis sur une planche de bois à roulettes, un vieux soldat cul-de-jatte mendiait, et les passants faisaient mine de ne pas l’apercevoir.
N’écoutant que son bon cœur, Zoé avait toujours au creux sa main, le petit sou à déposer dans sa timbale en fer blanc. Soulevant son chapeau, le mendiant au sourire édenté la bénissait tous les matins par un : « Merci ma Reine ». Elle seule avait de la grandeur et de noblesse, elle était charitable, avait le sens du sacrifice et se dévouait corps et âme à sa mère impotente. Après leur nuit d’amour, la distinction de ses galants, leurs beaux discours et leurs bonnes éducations disparaissaient au chant du coq.
Ils regagnaient leur hôtel particulier, retrouvaient leurs épouses bien convenables, des enfants obéissants et instruits grâce un précepteur à demeure. Si parfois sonnait à leur porte une ancienne chambrière au gros ventre, en recherche d’aide pour un bâtard à maître, conçu par les œuvres du maître de maison, les portes restaient closes.
Dès les premières lueurs de l’aube, finies les bonnes manières de ces Messieurs, les masques tombaient avec leur savoir-vivre, leur courtoisie et leur générosité.
samedi 17 octobre 2020
Maman
Est fâchée
Caro Diario Le Puy 1970
Maman est fâchée contre moi. Elle me fait la tête depuis six mois. Elle ne comprend pas pourquoi j’ai laissé partir Piero, Il avait toutes les qualités pour faire un bon mari et je sais qu’elle avait raison.
Mais comment lui dire que j’avais peur et que je n’étais pas finie dans ma tête, Pas prête pour le mariage, d’avoir des enfants, et pas confiance en les hommes. J’avais besoin de temps pour grandir encore.
Elle, qui avait tous les hommes à ses pieds, Et en changeait quand elle n’en voulait plus, Sa vie était réglée comme du papier à musique. Elle voulait quelqu’un, elle le prenait. Elle faisait ce qu’elle voulait, de suite, sans attendre.
On était bien trop différente pour en parler. Et m’aurait-elle écoutée ? Elle est restée à me faire la tête encore quatre ans. Je faisais comme si je ne le voyais pas, Et ne lui en parlais pas, Je l’avais mis dans un coin de ma tête avec le reste, Bien fermé à double tour.
Comme disait mon grand-père, j’avais L’air mais pas la musique.
vendredi 25 septembre 2020
Un Noël
A Saint-Austremoine.
Caro Diario 1968
mercredi 2 septembre 2020
mardi 1 septembre 2020
Le départ de Papa
Le clap de fin
Caro Diario 1966
mercredi 26 août 2020
mercredi 19 août 2020
samedi 15 août 2020
Saint-Austremoine
1964
Caro Diario
C’était le village où mes parents avaient acheté leur maison de campagne, Après la mort de Jean-Paul, c’était chez nous et à nous, Une grande maison ancienne de deux étages. Nos premières vacances d’été dans la maison, pendant trois mois, Avec un homme de main payé par grand-père, Furent des travaux de maçonnerie.
Il fallait monter le mortier toute la journée au deuxième étage, Pour faire le crépi des chambres des enfants. Cet homme était dur au travail, et nous n’arrivions pas à lui tenir du mortier d’avance. Toutes les quinze minutes, il criait : « MORTIER » Et, à tour de rôle, les quatre enfants portaient les seaux, remplis à ras bord. Mais le plus dur, c’est que toute la journée, il fallait aller chercher l’eau à la fontaine Car le village n’avait pas l’eau courante, Notre maison était donc sans eau, ni douche ni WC.
Ah ! L’horreur, Aller faire ses besoins dans le pré derrière la maison, pour une fille, c’est terrible. J’avais toujours peur d’être surprise le cul en l’air dans cette délicate position Et le papier journal était plus que rêche. Maman avait la voiture, car elle travaillait tard dans un bar. Elle rentrait toutes les nuits vers deux heures du matin du Puy-en-Velay. Quand elle ne travaillait pas, on avait la voiture pour nous, et alors là, C’était la frénésie et la joie. Papa nous conduisait à Lavoûte-Chilhac pour enfin se laver, Tous dans le fleuve L’ALLIER avec savon et shampooing, Et ce n’était pas du luxe, car on était sales comme des chiffonniers.
Dans l’eau, on jouait comme des fous, tout en se savonnant ainsi que nos vêtements. Et pour se rincer, un petit tour sous l’eau, et enfin on était PROPRES. De retour à la maison, il fallait faire le repas, ce que je faisais seule, Sept personnes à faire manger c’est du travail, Et cet HOMME de main mangeait comme quatre. Et pour les oublis de courses et l’achat de pain frais, Il fallait faire trois kilomètres à pied jusqu’à Lavoûte-Chilhac. Et le retour n’était pas facile non plus, car on avait les provisions dans les mains.
PLUS TARD, Quand papa est parti de la maison, Il a élu domicile dans notre maison de campagne avec sa compagne Qui avait quatre ans de plus que moi. Il l’a épousée en catimini quelques années après, Et sans nous inviter à son mariage, Les enfants n’étaient plus les bienvenus dans la maison, Alors nos visites se sont espacées, on était plus chez nous.
Par la suite, ils ont vendu la maison en toute discrétion. Maman a quitté la Place de la halle, pour vivre dans la maison de naissance de grand-père, Aux Estreys avec son nouveau compagnon . Et nous, on est resté Place de la halle avec pépé. Même les super Papas peuvent avoir des failles et des faiblesses, Et mettre entre parenthèses leur vie d’avant et leurs enfants.
Et ça c’est très dur, mais c’est la vie.