Le gigot du dimanche
Le Puy 1960
Quand papa était là et que le porte-monnaie était
bien plein, maman achetait un gros gigot.
À la boucherie, dans notre quartier bien aimé, la
Place de la Mairie.
Il y avait tous les commerces.
Papa préparait ses deux plats en terre marron,
L’un pour le gigot et l’autre pour les pommes de
terre.
C’était la coutume, dans notre quartier, de faire
cuire, le dimanche matin chez notre pâtissier du
quartier, le repas dominical.
Il n’y avait qu’une seule porte à franchir pour aller
dans son laboratoire, on était voisins.
En échange de la cuisson gratuite, papa achetait un
gros gâteau.
Souvent on mangeait ensemble avec mes Grands-
Parents.
Et maman avait toujours son morceau préféré : « la
queue ».
Mon grand-père m’envoyait chez son pâtissier à
lui « Le meilleur »
Pour aller acheter des énormes choux à la crème
chantilly.
Des fois qu’il n’y en ait eu pas assez pour toute
cette marmaille.
Grand-père nous parlait souvent de sa guerre, moi
je trouvais ça triste.
Mais il avait une façon de raconter les choses avec
des détails qui faisaient toute la différence.
Et cela devenait plaisant, et ses anecdotes nous
tenaient en haleine.
Il montrait son poing gauche, et nous, tous
ensemble on criait bien fort :
« Ça c’est l’hôpital » et le poing droit : « ça c’est la
mort. »
On le savait par cœur.
A la fin du repas, pour le dessert, Papa disait
toujours,
« Ça a un goût de revenez-y »
Greg, JP, Francis, et Filou le répétaient en cœur
Pour en avoir encore plus, c’était notre rituel.
Parfois Lucienne était là le dimanche, et c’était la
fête.
J’aimais bien ces repas en famille quand mes
parents étaient en période d’accalmie,
La vie était belle encore pour un moment,
En attendant la prochaine tempête qui pointait son
nez à l’horizon.
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